Dans cet épisode, Emery Jacquillat nous partage les ingrédients indispensables à l’entreprise de demain. Elle a de l’audace, des valeurs et une mission : avoir un impact positif sur le monde. “L’entreprise de demain sera engagée ou ne sera pas”. C’est cette conviction qui a poussé Emery à reprendre la Camif et, en partant d’une feuille blanche, à lui écrire une nouvelle raison d’être.
L’invité du podcast Culture d’entreprise
Emery Jacquillat est diplômé d’HEC en 1993. Deux ans après, il crée sa première entreprise : “Matelsom”, “la première société au monde de vente de literie à distance”.
En octobre 2008, il apprend le redressement judiciaire de la Camif. Direction Niort pour reprendre l’entreprise. En 2013, il lève des fonds auprès de Citizn Capital, un fonds à impact social créé Laurence Méhaignerie.
En 2015, la Camif est labellisée B Corp. En 2018, Emery Jacquillat co-crée la communauté des entreprises à mission. L’objectif : promouvoir l’entreprise à mission comme modèle d’entreprise du XXIe siècle. En 2021 il est nommé chevalier de l’Ordre National du Mérite.
Le chef d’entreprise, un leader créateur de liens
Le lien est au coeur du discours d’Emery Jacquillat. Tout commence en 2009 quand il reprend la Camif. Il est convaincu que pour relancer cette marque avec des valeurs fortes, il faut tout réinventer. “Je mets au coeur du projet un modèle d’impact positif : pour le territoire d’abord et pour réinventer quelque chose de différents” explique t-il.
Il fonde sa vision autour des valeurs de développement durable, de la production locale, d’emplois en France et de savoir-faire. Reste un défi : inclure ses collaborateurs dans le projet. “La culture d’entreprise est empreinte des valeurs du dirigeant mais il faut que ce soit partagé par tout le monde, et pour ça il faut que ce soit vécu” dit-il. En 2010, il accueille une artiste en résidence pendant trois mois : Anne-Laure Maison. Un jour, elle décide de symboliser les échanges par des bandes roses sur le sol : à chaque fois qu’un collaborateur se déplace pour discuter avec un collègue, elle le marque.
Une expérience collective forte pour Emery Jacquillat : “le principal rôle du leader, c’est de créer du lien : ce qui nous rassemble, c’est de créer un projet qui nous parle, avec une mission, et la vivre”. Mais ce n’est pas une mince affaire : nombre de ses collaborateurs sont des salariés de longue date de la Camif. Ils ont connu une culture pyramidale et adhèrent difficilement à sa vision d’entreprise libérée. Créer une culture d’entreprise et fédérer ses équipes derrière une même vision “prend du temps” mais pour Emery Jacquillat “ça donne des résultats spectaculaires”.
La mission pour redonner du sens aux entreprises
Quand il reprend la Camif, Emery Jacquillat décide de faire l’inverse de ce que fait la grande distribution : “depuis 20 ans, elle va chercher plus loin, moins cher, ailleurs. Nous on va faire plus près. Ça va être plus cher mais ça va être de meilleure qualité, et on va valoriser pourquoi c’est intéressant de faire du local”. Il est intimement convaincu qu’il y a un autre modèle de société possible, une société lucide sur les enjeux environnementaux, pleine de bon sens et qui soutient l’emploi sur les territoires.
En 2017, après deux ans de réflexion, Emery Jacquillat et ses équipes formulent la raison d’être de l’entreprise. “Ça coûte du temps, mais dès qu’on se lance sur le chemin, le chemin commence à nous transformer” raconte t-il. Une expérience qui le passionne et qui le pousse à s’engager pour co-créer la communauté des entreprises à mission.
Son objectif : réconcilier impact positif et performance économique, en France, en Europe voire à l’internationale. Il défend un nouveau modèle qui place la mission en “boussole”. “Il n’y a pas d’autre avenir possible. Il faut bâtir un capitalisme qui contribue à bâtir le monde de demain”.
Emery Jacquillat est convaincu que cette mission permet à l’entreprise de se différencier, de séduire des talents, de lever des fonds et d’attirer des clients fidèles et engagés.
“La culture d’entreprise c’est le coeur battant de l’entreprise : ça se vit. Le mythe fondateur, la valeur (audace, agilité, attention) et la mission, qui est au coeur : pourquoi on est ensemble ? À quoi on sert ? Pourquoi on se lève le matin ? À quoi on doit contribuer ? Et puis il y a l’ambition…” résume t-il.
Une ambition : changer le monde
La vision portée par Emery Jacquillat et ses collaborateurs est pérennisée dans les statuts et motive chacune des décisions de l’entreprise. Pour l’entrepreneur, il faut de l’audace pour “renoncer à certaines choses avec lesquelles on n’est plus du tout alignés”.
Premier fait d’armes il y a cinq ans : le site de la Camif a fermé pendant le Black Friday. Cet événement commercial de soldes ponctuelles engendre de gros profit pour les marques, mais nourrit une logique sur-consummériste loin des valeurs défendues par la Camif. “À court terme ce n’est pas bon pour le chiffre d’affaires, mais à long terme, ça ne nous a pas empêché de faire 50% de croissance depuis 2017”. Depuis cinq ans, à la place du Black Friday, l’entreprise ouvre ses portes à ceux qui le souhaitent et propose de participer à des ateliers.
“On ne va pas changer le monde avec de l’eau tiède” explique Emery Jacquillat. La Camif prend à coeur sa mission et s’investit régulièrement pour sensibiliser aux enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux. Chaque année, elle organise un “Camifathon” (un atelier pour concevoir des nouveaux produits) et un “tour de France du Made in France”. Des événements qui rassemblent salariés, clients, actionnaires et fournisseurs. L’ambition de la Camif est bien de recréer du lien dans une société impersonnelle et de remettre du sens dans la consommation. Elle contribue à changer les modèles de société pour changer le monde.